Le Bénin a décidé lundi de bloquer l’embarquement du pétrole nigérien à partir de la plateforme de Sèmè-Kpodji, située à une trentaine de kilomètres de Cotonou. Une mesure conservatoire prise au plus haut sommet de l’État et qui sera maintenue tant que le Niger ne rouvrira pas ses frontières.
La décision du gouvernement béninois sonne comme un retour au bras de fer entre le Bénin et le Niger. L’embargo sur le pétrole nigérien a été notifié à l’ambassadeur de la Chine au Bénin ainsi qu’à la société chinoise chargée de gestion du pipeline reliant le Niger au Bénin. Pour certains Béninois, le gouvernement fait bien de prendre une telle décision. Alain est un ouvrier portuaire. Selon lui, « le Bénin a tendu la main vers le Niger qui a refusé de la saisir ».
Un autre poursuit : « Je pense que le gouvernement fait bien de stopper l’exportation du pétrole. C’est trop facile. Le Niger n’a fait aucun effort pour comprendre la situation. Le Bénin a fait beaucoup de pas vers le Niger, mais bon comme les autorités actuelles sont des militaires, elles n’ont pas voulu entendre raison. En matière de relation bilatérale, il faut avancer de façon consensuelle. Pourquoi nous allons leur permettre d’avoir du pétrole alors qu’ils ne sont pas prêts à ouvrir leurs frontières. Je ne suis pas pro Talon mais là, j’applaudis. »
D’autres soutiennent qu’il ne sert à rien de se vautrer dans une situation sans issue, même s’ils comprennent que par cette décision, le Bénin essaye de forcer la main au Niger. Ernest, un acteur politique qui requiert l’anonymat souligne que « ce n’est pas une décision qui fera mal au Niger seul. Le Bénin aussi est concerné. A travers ce projet, le Bénin perçoit des impôts, les Béninois ont trouvé de l’emploi. Et l’entreprise chinoise qui assure la gestion du pipeline a fait des investissements et attend un retour d’investissements. Donc le Bénin compte également sur l’intervention de la Chine pour faire plier le Niger. »
Pour Baudelaire, un professeur de philosophie, « le Bénin une fois encore vient de rater une occasion de faire les choses dans les règles de l’art ». « C’est une décision que je déplore. Les deux pays se sont mis ensemble pour décider de ce projet, les investissements ont été faits. Et c’est seulement maintenant où le Niger va bénéficier du fruit de ses efforts, que le Bénin décide de mettre un embargo, sous prétexte que les autorités ne veulent pas ouvrir leurs frontières. Moi je ne suis pas d’accord », s’offusque-t-il.
Au sein de la population béninoise, beaucoup ne veulent plus retourner au bras de fer avec le Niger. Paul, un opérateur économique, estime que « les autorités des deux pays doivent tenir compte de l’intérêt de leurs peuples ».
« Nous savons ce qu’on a vécu lorsque la Cedeao a prononcé des sanctions que le Bénin a suivies sans se poser des questions. Je suis un peu surpris par l’entêtement de nos autorités, surtout que les deux pays ont toujours eu des relations privilégiées. En tout cas, moi je ne m’attendais pas à une telle décision », conclut Paul.
Le Bénin accueille 675 km du pipeline sur une longueur totale de 1980 km. Celui-ci devrait lui rapporter environ 490 millions de dollars (300 milliards de francs de recettes fiscales sur 20 ans. En outre, il permettra au Niger de porter sa capacité de production de pétrole à 110 000 barils par jour. Par ailleurs, l’infrastructure crée au moins 3000 emplois dans les deux pays. Les autorités béninoises n’ont fait aucun commentaire dans les médias.
AFP
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