Après 48 heures de mission dans des conditions rendues compliquées par une filature Service de la Sécurité et de la Documentation Djibouti, Me Alexis Deswaef, vice-président de la FIDH a été arrêté à son hôtel avant d’être conduit à l’aéroport et placé dans un avion pour la capitale de l’Éthiopie. La veille, SE, chargée de programme pour l’Afrique de l’Est à la FIDH, avait été brutalement refoulée par les autorités djiboutiennes. Tous deux étaient en possession de visas valides. Ces incidents démontrent le peu de cas accordé aux droits humains par le pouvoir en place, mais aussi la dérive autoritaire d’un pays qui abrite les bases militaires des plus grandes puissances mondiales.
Paris, 14 mars 2023.Dimanche 12 mars, à 23h, heure locale, une chargée de programme en mission pour la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et munie d’un visa valide, se présente au contrôle frontière de l’aéroport de Djibouti. Refusant de lui donner la moindre raison, des policiers l’empoignent par les bras et l’obligent à embarquer dans un avion en partance pour Istanbul.
Samedi 11 mars, la veille, Me Alexis Deswaef, vice-président de la FIDH et également membre de la mission et en possession d’un visa valide, était entré sur le territoire sans problème et avait débuté la mission. Lundi 13 mars, vers 17h à Djibouti, la réception de l’hôtel le contacte : un policier souhaite le rencontrer. Quatre policiers en civil montent finalement jusque devant sa chambre et lui intiment de les suivre : direction l’aéroport. Il est placé dans le premier avion pour Addis Abeba sans qu’aucun motif ni aucune notification de cette démarche ne lui aient été communiqués. Ses notes, son téléphone, ses cartes SIM ont été confisqués par les autorités djiboutiennes avant qu’il ne soit forcé à quitter le pays.
Entre dimanche et lundi, Me Deswaef a pu travailler avec Me Zakaria Abdillahi, ancien président de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH), l’organisation membre de la FIDH à Djibouti. Il a aussi rencontré d’autres représentant⋅es de la société civile, des syndicats, des responsables de l’opposition, plusieurs chancelleries occidentales et des représentant·es des Nations Unies.
Une voiture banalisée avec un homme en uniforme des forces de l’ordre et un autre en civil les a suivi pendant l’essentiel de leurs déplacements.
«Les défenseur·euses des droits humains vivent dans une situation préoccupante,» rappelleMaître Zakaria Abdillahi, ancien président de la LDDH. «Arrestations, violences commises par les forces de sécurité, détentions arbitraires, surveillance notoire… Le gouvernement cherche ainsi à faire perdurer un climat de terreur dans le pays, propice à la confiscation du pouvoir. Djibouti enferme ses citoyens.»
«Le peu de cas pour les droits humains et le glissement autoritaire de l’état djiboutien nous alerte,» estimeMaître Alexis Deswaef, vice-président de la FIDH et président d’honneur de la Ligue des Droits Humains en Belgique (LDH). «Notre expulsion pose une question essentielle : qu’ont-ils à cacher pour qu’ils craignent à ce point une mission d’ONG ? Il n’y aura pas de répit tant que nous n’aurons pas de réponses.»
«Le traitement subi par mes collègues est inadmissible, mais pas surprenant,» déclareAlice Mogwe, Présidente de la FIDH. «Ce qui l’est davantage, c’est la passivité des pays européens, des États-Unis et de la Chine, bien contents de profiter d’installations sur le sol djiboutiens, sans se soucier du sort des populations locales. Ne nous résignons pas à abandonner le peuple de Djibouti à un huis-clos étouffant la société civile.»
Une mission essentielle dans un pays à la dérive
L’objectif de la mission était de faire un état des lieux de la situation des défenseur⋅es des droits humains dans le pays. Il s’agissait également de leur témoigner la solidarité de la FIDH dans leur travail de dénonciation des nombreuses violations des droits humains commises par les autorités.
Cette mission a été organisée dans un contexte particulièrement tendu. Les élections législatives du 24 février 2023, tenues dans une indifférence générale et sans l’opposition, témoignent de l’absence de pluralité démocratique et du musellement politique de la société civile. Situation qui perdure depuis l’arrivée au pouvoir du Président Ismaïl Omar Guelleh, il y a plus de 24 ans.
Depuis 2006, date de la dernière mission de la FIDH à Djibouti, la LDDH et la FIDH ne cessent de dénoncer la répression du régime à l’encontre des défenseurs des droits humains, des journalistes et des membres de l’opposition, qui subissent un harcèlement constant de la part du gouvernement, en toute impunité.
La FIDH et LDDH appellent la communauté internationale à lever l’omerta sur les droits humains à Djibouti et à dénoncer les dérives autoritaires du pouvoir, notamment à l’encontre des activistes des droits humains. Les organisations appellent également les autorités djiboutiennes à fournir des explications sur ces deux incidents.
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